Dans notre dossier Histoire de l’Horlogerie, nous avons abordé l’avènement de la montre-bracelet au XIXème siècle. Aujourd’hui, intéressons-nous en détail à une montre mythique créée par Abraham-Louis Breguet, la Reine de Naples.

La Reine de Naples : une commande de Caroline Murat

Nous sommes en 1810. A cette époque, la montre-bracelet en tant que telle n’existe pas encore. L’histoire relate les récits de montres attachées à des bracelets, par exemple chez le philosophe Blaise Pascal. Mais aucune montre-bracelet n’a encore été réalisée…

Dans les archives historiques de la Maison Breguet, on trouve le livre dit des commissions. Il regroupe des demandes parfois compliquées ou fantaisistes de pièces d’horlogerie sur mesure, ne figurant pas sur le catalogue.

Parmi ces commandes, une en particulier attire l’attention. Celle-ci est à l’origine de la première vraie montre-bracelet.

C’est Caroline Murat, la sœur de Napoléon Bonaparte, alors reine de Naples, qui en fait la demande le 8 juin 1810. Celle-ci est friande d’art et plus particulièrement d’horlogerie. Son enthousiasme pour les garde-temps est tel qu’il est communicatif. Dans les archives de la Maison Breguet, on compte de nombreuses commandes de la famille mais aussi des connaissances de Caroline Murat. Napoléon, Joséphine, rois et princes d’Europe, maréchaux, généraux…

Âgée d’à peine 28 ans, elle possède déjà de nombreuses montres et horloges Breguet. Mais 60 ans avant l’avènement de la montre-bracelet, la reine de Naples imagine déjà un garde-temps à son poignet.

La Reine de Naples, la montre n°2639 de la Maison Breguet

La commande faite, la Maison Breguet demande 5000 Francs pour la réalisation du garde-temps. Dans le registre des fabrications de la Maison, il apparaît sous le nom « répétition de forme oblongue pour bracelet ». Une forme allongée peu courante pour une montre inédite.

Il faut alors plus de deux ans pour achever ce chef d’œuvre d’horlogerie. 17 personnes sont chargées de sa réalisation.

En décembre 1811, on pense que la montre est achevée. Cette montre à répétition comporte un thermomètre, ainsi qu’un échappement à ancre. Mais à la demande probable d’Abraham-Louis Breguet en personne, sa livraison est repoussée.

Le système de minuterie est changé, ainsi que le cadran. Elle est finalement achevée le 21 décembre 1812.

Parcours et disparition de la montre-bracelet mythique

La Reine de Naples décède en 1839 à Florence. On ne sait ce qu’il advient de sa montre. Il faut attendre 1849 pour en retrouver la trace.

En effet, une comtesse parisienne du nom de Rasponi vient réparer une montre à la Maison Breguet dont la description correspond en tous points à la montre de la Reine de Naples.

On trouve dans le livre de rhabillage de la Maison, qui répertorie les montres en réparations, une deuxième mention de la montre six ans plus tard.

Puis, on ne sait ce qu’il advient du garde-temps. Seules les archives nous permettent de savoir qu’elle a existé.

Peu après, la montre-bracelet commence à faire parler d’elle. Elle est particulièrement appréciée des femmes, jusqu’à ce que son aspect pratique la fasse gagner le cœur des hommes.

La postérité du mythique garde-temps la Reine de Naples de Breguet

Il n’existe aujourd’hui aucun visuel, croquis ou peinture de la montre-bracelet de la Reine de Naples. Mais les archives nous permettent d’en avoir une description assez précise.

C’est une très fine montre à répétition de forme ovale dotée d’un cadran en argent sur lequel sont inscrits les heures en chiffres arabes. Elle possède un thermomètre, et un avance-retard. La montre se glisse dans un bracelet de cheveux garnis de fils d’or.

En se basant sur cette description, la Maison Breguet a lancé en 2002 la ligne Reine de Naples, une série de montre-bracelets dont la forme rend hommage à cette première montre mythique.

La collection se distingue par des montres-bracelet au design rétro toutes plus distinguées les unes que les autres. Outre leur forme ovoïde, chaque montre possède une des caractéristiques de la mystérieuse montre disparue.

Nacre finement guillochée, bracelet tressé d’or… A cela s’ajoute la joaillerie qui pare la montre de sertissage de diamants et pierres fines.

Une ligne qui à sa façon rappelle la mémoire d’Abraham-Louis Breguet qui réalise en 1810 la première montre-bracelet connue.

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