Les joyaux de la Couronne Impériale Britannique figurent parmi les plus beaux spécimens du monde. Aujourd’hui exposés à la Tour de Londres, ils attirent de nombreux curieux. Le rubis du Prince Noir intrigue de par son histoire mais aussi sa composition. Pourquoi appelle-t-on cette pierre le Grand Imposteur ?

Le rubis du Prince Noir : une histoire violente et mouvementée

On ne sait pas exactement d’où provient la pierre, mais l’on suppose qu’elle a été extraite dans les mines de Kuh-i-Lal dans la région actuelle de Badakhchan en Afghanistan, célèbre pour ses rubis.

Il n’apparaît dans l’histoire qu’en 1362. À cette époque, le prince Mohammed de Grenade s’allie à Pierre Ier de Castille, dit Don Pedro le cruel. Ensemble, ils affrontent le beau-frère de Mohammed, Abu Said. Celui-ci abdique, mais au moment des négociations, il se fait abattre et ses joyaux sont dérobés.

Pierre Ier récupère alors le butin, mais doit se résoudre à fuir à Bayonne à cause de son propre frère Henri II qui réclame son trône. Il y signe un traité avec Édouard de Woodstock, Prince de Galles et Charles II de Navarre. Ce traité connu sous le nom de Traité de Libourne scelle leur alliance : en échange de trésors et de terres, ils doivent l’aider à battre l’armée d’Henri II. Les armées de Woodstock parviennent à gagner la bataille, mais Pierre Ier, ruiné, ne peut qu’offrir la fameuse pierre à Woodstock.

Celui-ci, surnommé le Prince Noir, donne alors son nom à la pierre qu’il pense être un gros rubis.

Le rubis du Prince Noir, pierre des puissants britanniques

Jusqu’à 1415, on ne sait ce qu’il advient de la pierre. Elle réapparaît sur la mythique armure dorée portée par le roi d’Angleterre Henri V lors de la bataille d’Azincourt, pendant la Guerre de Cent Ans. Par-dessus son casque, le roi porte une somptueuse couronne sertie de rubis, saphirs et perles et du fameux rubis du Prince Noir. Blessé à la tête par la hache d’un adversaire Français, le roi survit mais son casque est partiellement brisé, avec un morceau de la pierre. Un prisonnier Français dit savoir où se trouve le fragment manquant, et demande d’être libéré s’il parvient à le récupérer. Il réussit, mais les Anglais ne tiennent pas leur promesse et à son retour, on l’enferme à nouveau.

Pendant plusieurs générations, la pierre figure dans le trésor royal britannique. Richard III la porte sur sa couronne lors de batailles, puis elle orne la couronne du roi Jacques Ier. Elle est alors décrite comme percée au sommet, une pratique jadis courante pour créer des pendentifs.

À l’exécution du roi, le rebelle Olivier Cromwell instaure le Commonwealth d’Irlande, d’Angleterre et d’Écosse et les trésors de la couronne sont soient vendus soit fondus. Le rubis du Prince Noir disparaît alors avant d’être revendu au roi Charles II.

La pierre sertit alors la Couronne impériale de la reine Victoria qui l’arbore lors de son couronnement en 1838.

La pierre est encore perdue de justesse, lors d’un incendie qui a lieu en 1841 à la Tour de Londres puis lors des raids allemands de la Seconde Guerre Mondiale.

Depuis 1937, elle est la pièce principale de la couronne impériale d’apparat.

Créée pour le couronnement de George VI, elle est grandement inspirée de la couronne portée par Victoria.

Elle orne toujours la célèbre Couronne, avec d’autres joyaux célèbres comme le Cullinan II.

Le rubis du Prince Noir, le Grand Imposteur
Cyril Davenport (1848 – 1941), Domaine Public, via Wikimedia Commons

Pourquoi le rubis du Prince Noir est-il surnommé le Grand Imposteur ?

Bien qu’on surnomme encore le rubis du Prince Noir ainsi, la pierre est en réalité une rare variété de spinelle ! Cette pierre fine de couleur rouge est en effet souvent confondue avec le rubis et pendant longtemps, toutes les pierres écarlates sont appelées rubis. C’est seulement en 1783 qu’on différencie les spinelles des rubis, de par leur composition très différente.

Bien que le spinelle ne soit pas une pierre précieuse, la taille et la couleur rouge vif du Rubis du Prince Noir en fait une pierre à la valeur inestimable.

Pesant près de 170 carats (soit 34 grammes), la pierre n’a pas été l’objet de tailles ou d’altérations, et elle a donc une forme irrégulière qui lui confère un charme particulier. Le petit trou présent à son sommet a désormais été rebouché à l’aide… d’un véritable rubis.

Photo de couverture par George Hayter, domaine public, via Wikimedia Commons